Morgane Avellaneda

« Chateaubriand écrivain de presse : action et réaction médiatiques »

Thèse de doctorat en préparation

à l'université Jean Monnet de Saint Etienne

 

« Louis XVIII déclara, je l’ai déjà plusieurs fois mentionné, que ma brochure lui avait plus profité qu’une armée de cent mille hommes ; il aurait pu ajouter qu’elle avait été pour lui un certificat de vie. » C’est avec une certaine fierté que François-René de Chateaubriand donne à son texte De Buonaparte et des Bourbonsun pouvoir d’action : la publication accède alors à un statut performatif. C’est par le simple acte de leur création que certaines prises de parole, certaines formes d’écriture et de publication font advenir une réalité nouvelle. Le genre par excellence de l’acte performatif est l’article de journal : il est fondamentalement action, réponse immédiate et vive. Il s’écrit, précisément, dans le feu de l’action.

Journaliste, Chateaubriand l’est tout au long de sa vie : cette partie de ses écrits, encore peu étudiée, invite à un examen de la capacité de ses textes journalistiques à l’action, la réaction voire l’interaction. Réagissant à tout ce qui le touche sans être pourtant un « réactionnaire », appelant par la complexité de sa situation à une réflexion sur son « anti-modernité » (Compagnon, 2005), le cas de Chateaubriand prête à une étude des enjeux multiples de cette forme particulière d’écrit et de publication. Cela est particulièrement pertinent dans la mesure où Chateaubriand est une figure originelle et fondatrice, dans la France postrévolutionnaire, du journaliste et de l’écrivain dont l’aura rend légitime la participation à la vie politique.

Dans la presse, les questions politiques et historiques se mêlent à l’actualité, de même que la figure de l’auteur s’allie à des choix esthétiques multiples. L’examen de l’action – envisagée comme exercice du pouvoir d’agir, ayant une influence – et de la réaction – réponse à l’action, redoublement de celle-ci le plus souvent dans l’opposition, et provoquée par un agent extérieur – permet d’envisager la complexe multitude de ces textes, corollaire de la production plus reconnue et durable d’un auteur dont la carrière journalistique comme politique fut semée d’embûches. C’est ici une interlocution, vivante et actuelle : étudier les particularités induites par cette réalité amène à mieux envisager ces textes dans leur singularité propre  – tout en ouvrant la voie à un véritable regard d’ensemble. Pour reprendre les mots de Jean Starobinski, « Qui réagit n’est jamais isolé. » (Action et réaction : vie et aventures d’un couple, p. 344). L’écriture de presse est une écriture avec et contre, mais elle ne saurait être étudiée efficacement hors de son riche contexte. Le changement de ton des articles publiés par Chateaubriand, son silence même, sont autant de réactions littéraires dont la dimension performative apparaît évidente.